Journal . . .

L’héritage & les influences

Article publié le 31 mai 2008
L’héritage & les influences

Être de son temps sans oublier le passé...

Les Maîtres du passé ne peuvent être que des modèles. Ils nous enseignent. Ils nous inspirent. Ils nous montrent le chemin et rayonnent par leur exemplarité.

Beethoven, Schubert, Bellini, Chopin, Liszt, Wagner, Verdi, Franck, Brahms, Saint-Saëns, Bizet, Moussorgski, Tchaïkovski, Dvořák, Grieg, Rimski-Korsakov, Fauré, Mahler, Debussy, Dukas, Sibelius, Ravel, Stravinski, Prokofiev, Gershwin, Chostakovitch, Bernstein et encore beaucoup d’autres, sont pour moi des pères — et j’ose croire qu’un jour l’on pourra dire des pairs — qui m’ont donné le goût de l’émotion, l’envie de la transmettre, et cette soif insatiable — certes prétentieuse mais non moins sincère — de vouloir toujours offrir quelque chose au monde !

Plus proches de nous, d’autres grands musiciens sont toujours pour moi une grande source d’inspiration : Duke Ellington, Django Reinhardt, Stéphane Grappelli, Dave Brubeck, Miles Davis, John Coltrane, Michel Petrucciani, Stefano Di Battista ou encore Elmer Bernstein, Ennio Morricone, John Williams, Dany Elfman, Michel Legrand ou même Vladimir Cosma...

Enfin, et par dessus tout, les deux compositeurs les plus chers à mon cœur restent Bach et Mozart, avec une affinité toute particulière pour ce dernier.

Prenez un modèle, imitez-le. Si vous n’avez rien à dire vous n’aurez rien de mieux à faire que de copier. Si vous avez quelque chose à dire votre personnalité ne paraîtra jamais mieux que dans votre inconsciente infidélité. Maurice Ravel

... et ses deux grands Maîtres !

Ce qui m’a toujours fasciné dans l’œuvre de Jean Sébastien Bach, c’est ce petit cours d’eau de quelques notes, qui, mesure après mesure, devient ruisseau, puis rivière et, charriant tout sur son passage, inonde la vallée de nos âmes de grandes crues contrapuntiques, jusqu’à l’apothéose finale où un fleuve de notes se jette dans l’immensité. Telle pourrait être la définition d’une fugue de Bach.

Ce qui confère à Bach ce véritable statut de Père de la musique occidentale, tel un colosse sur son piédestal, c’est bien cette imagination sans bornes qui lui permet de transformer la moindre petite note d’eau en un océan de musique. Cette force unique de pouvoir passer du rien au tout, tout en ayant l’air de rien.

Oui, Bach, c’est la Musique. Toute la Musique. Qu’y aurait-il dans l’œuvre de n’importe quel compositeur — et même Schönberg ou Stravinsky — qu’il n’y eût déjà dans l’œuvre de Bach ?

Bach, c’est aussi — et peut-être surtout — l’amour de Dieu. Sa musique est une traduction constante de la Genèse : « Que la lumière soit. Et la lumière fut ». Bach ne cesse de mettre ces mots en musique, de traduire par les notes l’expression de cette force jaillissante, implacable et divine, et parvient à faire naître en nous ce sentiment du dépassement de notre propre condition humaine, ce sentiment fort et absolu de l’ineffable et de l’inexpliqué. Avec lui, le beau, le vrai, le divin, est tout proche, accessible, enfin à portée de main. Il nous promet sans cesse cet au-delà. Il nous l’affirme à coup de contrepoint. Le doute n’est plus permis : avec lui, nous y sommes !

Mais Dieu — quand il existe ! — envoie toujours son fils sur terre. Si nous avons besoin d’un père, nous avons aussi besoin d’un frère. Et si le Cantor de Leipzig reste le maître incontesté de l’écriture et du contrepoint, Wolfgang Amadeus Mozart est — pour moi — le génie de la forme ; le maître de la structure équilibrée et cohérente, s’articulant toujours autour de ce qu’il sait faire le mieux, qui lui est propre et inné : la mélodie, le chant et la grâce. Toute la musique de Mozart n’est que chant. Mozart, c’est aussi l’opéra, le drame et le théâtre. En ce sens, quel compositeur plus dramatique que lui ? Et c’est précisément ce goût du drame qui lui permet l’excellence dans la maîtrise de la forme sonate ; car qu’est-ce que la forme sonate sinon la mise en musique d’un drame où les personnages de chair sont les mélodies de l’esprit. Ce qui m’étonne toujours le plus chez Mozart, c’est cette extraordinaire capacité à concevoir l’œuvre dans son ensemble ; cette capacité à construire un édifice qu’il faut regarder de loin pour en apprécier toute la grandeur.

S’il est vrai que Beethoven cèdera plus d’une fois à ses petits caprices et interrompra sans vergogne le discours musical, Mozart, quant à lui — enfant du siècle des Lumières, non du Bonapartisme —, et malgré son génie, ne se permettra jamais de dicter à la Musique. Notes après notes, il restera son humble serviteur. Et dans sa quête d’universalité, il mettra tout son art au service de la clarté et de la simplicité. Et contrairement à son maître-ami Haydn qui, par sa musique, nous emmène toujours là où il veut et non là où on l’attendait, Mozart, lui, tout en allant exactement là où il le désire, nous prend par la main et nous donne le sentiment que nous sommes là où nous avions toujours rêvé d’être ! Comme si la musique coulait de source ; comme si la musique était une évidence. Comme si sa musique avait toujours été en nous.

Enfin, comment ne pas admirer chez lui cette façon si particulière — et qui fait souvent défaut à Beethoven, moins à Schubert — qu’il a d’écrire de la musique sérieuse sans jamais se prendre au sérieux ; en nous parlant de nous et de nos heures graves, mais avec tant de simplicité, et même parfois de légèreté. Mozart, cet amoureux des hommes et de l’humanité : notre frère, pour toujours.